Ukraine: le scénario kremlinien de l’agression menée le gouvernement de Kiev pour s’accaparer le Donbas séparatiste

C’est ainsi qu’une nouvelle grande guerre pourrait commencer par une vieille petite guerre. Le Donbas, ou plus exactement la moitié de deux oblast de la République d’Ukraine: celle de Lugansk, et celle de Donetsk. J’utilise ici les dénominations en russe pour ces deux villes capitales des deux oblasts, mais j’utilise la transcription de Donbas avec un seul “s” eu non deux “ss”, graphie de langue ukrainienne. Cette difficulté est d’ailleurs typique de la confusion culturelle qui s’est insinuée dans la question nationale ukrainienne. La crise actuelle peut ressembler à un coup de force de POutine pour maintenir un Etat tampon face à l’OTAN, mais pour les Ukrainiens il s’agit d’un moment de vérité. Sont-ils un peuple annexe, frère, cousin, ressemblant, ou totalement séparé comme les Polonais des Serbes, ou les Macédoniens des Tchèques.

Les uns et les autres ne se battent pas pour la même chose. Le gvt ukrainien se bat, objectivement, pour continuer d’être digne de gouverner. Les milices populaires, levées hâtivement en bataillons de style Home Guard britannique de la Deuxième Guerre Mondiale, s’apprêtent à se battre par fierté paroissiale autant que par patriotisme. Les Donbasiens séparatistes ont-ils un avis? On ne les rencontre qu’épisodiquement au détour d’un article ou d’un reportage aussi décalé que précieux.

Génocide? Perpétré par le gvt ukrainien, et ses milices ultra-nationalistes, contre les Ukrainiens russophones et amoureux de la Grande Russie, voilà ce que Poutine lui-même diffuse comme raison d’intervenir. Pour l’Élysée, ce “génocide” est un mensonge, une provocation pour créer un casus belli. Dans la crise actuelle, absolument aucune trace de massacre, côté Croix Rouge, ou OSCE.

Tout cela nous ramène à la Guerre de Yougoslavie. Les questions ethniques restent des mobiles protéiformes, aux mains de dirigeants diaboliques, comme Slobodan Milosevic. Que le Kremlin utilise ces méthodes, c’est dire l’inertie historique du système politique qu’a installé Poutine. D’autres aussi ont usé de ces procédés, comme en Chine populaire, et les colonisateurs d’autrefois. Régression.

Olaf Scholz n’a pas arraché d’assurances claires de Vladimir Poutine

Une désescalade est dans l’air. Mais reste insuffisamment ancré dans les faits. Depuis que le ministère de la Défense russe a annoncé le retour à leurs bases de certaines unités jusqu’alors massées le long des frontières, les observateurs se décrispent. Les chancelleries sont moins enthousiastes cependant. C’est Vladimir Poutine lui-même qui a précisé la nature de ce retrait, lors de sa conférence de presse conjointe avec Olaf Scholz à Moscou ce mardi 15 février 2022 à 14h GMT.

C’est tellement flagrant que le président russe a pu dire que les risques de guerre ne dépendaient pas seulement de lui, mais des « partenaires » occidentaux aussi. En clair, aux Occidentaux de faire le nécessaire pour que cela n’arrive pas, et donc en creux, si cela arrivait ce serait de notre faute !

Olaf Scholz a eu un brin d’ironie en présence de V. Poutine. Un journaliste lui a demandé ce qui pourrait se passer à moyen ou long terme, et il a répondu : « je l’ignore, est-ce que serai encore chancelier, et est-ce que Monsieur Poutine sera encore président ? »

Le chancelier allemand Olaf Scholz est entré dans le ballet diplomatique

Olaf Scholz a exigé le retrait des troupes russes en Biélorussie, et la fin des manœuvres militaires menaçantes partout autour de l’Ukraine. C’est ce que les Occidentaux appellent la désescalade. Si Poutine lançait une attaque, alors les sanctions lourdes et immédiates suivraient.

Mais lui, chancelier allemand, ne pouvait promettre de vendre des armes allemandes à l’Ukraine. Il en est empêché par la loi allemande, mais il verra ce qui pourrait être fait. En attendant il débloque en tout 300M€ d’aide gouvernementale envers l’Ukraine. Un chemin dipomatique se dessine néanmoins. Lui comme Volodymyr Zelensky, président ukrainien, ont dit que la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, la vraie pomme de discorde de cette crise, pourrait être mise entre parenthèses quelques temps.

Côté Moscou, le Ministre des Affaires Étrangères Sergei Lavrov a conseillé, publiquement, à Poutine de poursuivre la voie diplo. Et si Washington et Londres estiment que l’armée russe est prête à une invasion, ils ne vont pas jusqu’à garantir que la guerre aura lieu.

Dernier point : des contacts entre le gouvernement du BELARUS et de l’UKRAINE sont en cours au niveau des ministère respectifs de la défense. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais c’est quelque chose.

Crise russo-ukrainienne: la médiation d’Emmanuel Macron se transforme en simple sondage des ressentis de Poutine et de Zelensky

Depuis son retour du périple Moscou, Kiev, Berlin, Emmanuel Macron a dû légèrement réajuster son bilan diplomatique à la grande vague venant de Washington.

En effet, à Moscou le président français semblait croire que la désescalade des troupes avait commencé. Les troupes russes étaient en train de se retirer gentiment de la Biélorussie voisine, qui en tant que régime allié de la Fédération de Russie poutinienne, avait ouvert grand ses portes aux militaires russes participant à un exercice militaire hypertophié et menaçant pour l’Ukraine. Cependant, au bout de quelques heures, il devenait évident que le retrait partiel russe hors de Biélorussie n’en était pas un. Washington parlait de l’inverse: 30.000 soldats russes en Biélorussie, une centaine de milliers en Russie-même. C’était largement assez pour constituer une menace accrue.

Le gvt français a donc suivi l’avis de Washington, après avoir été dûment informé des éléments de renseignements des services américains.Les Britanniques ont pris une attitude intermédiaire: ils pensent qu’il y a trop de troupes russes dans cet exercice pour que cela soit honnête. Mais la possibilité une attaque imminente russe n’a pas trop impressionné le ministre britannique de la Défense,  Ben Wallace, en visite à Moscou.

Côté Kiev, les retombées de la visite d’Emmanuel Macron ne sont pas entièrement positives. Déjà, devant le président français, Volodymyr Zelensky s’est demandé si Poutine et Macron n’avaient pas un peu trop bu et manger la veille. Puis les analystes ukrainiens ont trouvé que Macron ne prenaient pas la mesure des préparatifs militaires russes aux frontières. Ainsi, l’Élysée glisse doucement vers la position de scepticisme actif envers Poutine. Pas de faille entre Occidentaux, c’est-à-dire rien d’exploitable par le Kremlin.

À Washington on semble quand même satisfait que l’activisme diplomatique français ait au moins rebattu un peu les cartes dans ce terrible jeu de poker.

Un ballet diplomatique pour l’Ukraine, mais V. Poutine fait plus que danser

Il revenait à Emmanuel Macron de faire la grande liaison entre Vladimir Poutine, Joe Biden, et Volodomyr Zelensky. La mission était aussi colossale que nécessaire. Sonder le maître du Kremlin, le président ex-humoriste ukrainien, et maintenir le soutien allemand à une posture musclée, c’était difficile. Entièrement faisable cependant, car personne nulle part ne préconise d’autre solution que diplomatique. Presque personne, car des extrémistes à Moscou appellent à la prise militaire de diverses parties de l’Ukraine, parfois comprenant Kiev-même.

L’on pourrait se demander si la diplomatie de la navette permanente, des coups de fil incessants dans diverses permutations entre dirigeants. Biden – Scholz, Biden – Macron, Poutine – Macron, Zelensky – Macron, Boris Johnson – Zelensky, etc. Est-ce que tout cela est une simple agitation, un ajout à la campagne électorale française? Je ne crois pas. La présidence française de l’UE était décidée bien avant la crise russo-ukrainienne. Le successeur de Merkel, Olaf Scholz, n’est pas encore très imposant sur la scène internationale. Biden n’a pas énormément à gagner dans cette affaire, et il n’est pas certain qu’il soit assoiffé d’une revanche sur le destin après la débâcle — mais pouvait-il en être autrement? — en Afghanistan. 

Ce serait une erreur de lire des influences trop triviales dans ce dossier. Quatorze mille personnes, plus de la moitié des militaires, sont mortes dans le Donbas! Le régime poutinien sait envahir: Abkhazie, Ossétie du Sud, Crimée, Donbas. 

Ce qui se passe aujourd’hui mardi 1er février 2022 dans le monde

• Blinken va parler à Lavrov tout à l’heure, hier soir Macron et Poutine au téléphone pour dire que le processus de Minsk en format NOrmandie ( ie France Allem Russie Ukraine) peut continuer (et donc pas de guerre pour l’instant); hier soir échanges houleux au Conseil de Sécurité ONU. Horaire à déterminer
• Nouvel an chinois pour 2 mds de personnes, sur fond de semi-restrictions en Chine. Les deux dernières années, les mouvements étaient interdits pendant cette fête familiale en Chine, mais est-ce que ça va mieux, alors que commencent les JO presque sans public?
• Première année de la junte militaire en Birmanie. Grève des absences et du silence, ce que la junte tente de réprimer, lamentablement.
• Viktor Orban fait cavalier seul, voit POutine à Moscou parler approvisionnement de gaz, et tant pis pour le front uni européen et pour l’Ukraine. La Hongrie, toujours réfractaire?
 • Mali: suite de brouille Paris-Bamako, quel avenir pour les troupes françaises et européennes au Sahel? Légère embellie au Burkina Faso, la junte moins anti-française