Le djihad salafiste est-il bon pour l’indépendance de la Catalogne?

Les attaques en Catalogne ont propulsé la société catalane sous les projecteurs du monde. Parallèlement au drame terroriste se joue une partie d’échecs entre catalanistes et espagnolistes. Pour le gouvernement autonome catalan, comme pour son pendant national espagnol, juguler le terrorisme, et régler l’avenir constitutionnel de la Catalogne, sont des priorités. Les deux instances convergent. Les morts et blessés sont catalans, espagnols hors Catalogne, italiens, portugais, français, allemands, et tant d’autres. Surtout, le lien entre Catalans et Espagnols hors Catalogne est devenu plus évident. Les deux instances gouvernementales ont fonctionné de concert, avec le volet catalan nettement dans le rôle prioritaire.

Vive les Mossos d’Esquadra

Car le gouvernement catalan a impeccablement mené la répression de la cellule terroriste de Younès Abouyaaqoub. La police autonome catalane, Els Mossos d’Esquadra, a été d’une efficacité remarquée. Réminiscence d’un corps né au 18e siècle, les Mossos sont un genre de gendarmerie sur la totalité du territoire de la Généralité de Catalogne. Depuis le milieu des années 2000, la Guardia Civil et la Policía Nacional n’ont plus de présence. Il y a les Mossos d’Esquadra et les polices urbaines, et rien d’autre. Sauf les services secrets espagnols, le CNI, Centro Nacional de Inteligencia. Plus tard dans le processus, la justice, qui elle reste totalement espagnole nationale et unitaire, prendra le relais. Toujours est-il que les Catalans ont une réputation de sérieux, de modestie, et d’entêtement, et voilà que leur police régionale l’a confirmé. Les Mossos ont abattu les terroristes chaque fois que c’était possible. À Cambrils, un seul Mosso abattit quatre terroristes en quelques secondes.

Mariano Rajoy félicite les institutions catalanes

C’était si impressionnant que le premier ministre espagnol Mariano Rajoy a Tweeté ses félicitations aux Mossos. Mais il ne les commande pas. Et Rajoy ne peut souffrir l’idée d’un référendum sur l’indépendance en Catalogne. Pourtant le référendum, légalement contesté par Rajoy et la justice nationale, est programmé pour le 1er octobre. Le président de la Généralité de Catalogne (ainsi s’appelle l’instance subnationale qui exerce les fonctions subnationales en Catalogne, c’est-à-dire que la Generalitat est le nom du quasi-État catalan) Carles Puigdemont veut ce référendum, et veut la séparation d’avec l’Espagne. Pourtant, tout au long du drame de Catalogne, on pouvait lire des Tweets incessants sur la solidarité de tous les Espagnols pour Barcelone. No Tenim Por, le slogan catalan pour “Nous n’avons pas peur”, serait en train de passer dans le langage de toute l’Espagne. Le roi Felipe VI lui-même à dit que toute l’Espagne est la Catalogne.

Ni le roi, ni le premier ministre espagnol, n’ont omis de se montrer à Barcelone. Puigdemont a eu l’élégance de les y accueillir, et de se tenir à leurs côtés pour les minutes de silence, et pour une réunion formelle de sécurité avec Rajoy. Ce même Puigdemont accorde des interviews à la radio nationale espagnole, en castillan. Il a même critiqué les ultra-nationalistes catalans de vouloir boycotté certaines cérémonies pan-espagnoles.

Des Catalans efficaces, mais assimilés à des Espagnols par le monde extérieur

C’est comme si le djihadisme avait rappelé aux gens les plus raisonnables de Catalogne que pour les terroristes, la Catalogne, l’Espagne, la France, la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne, ne font qu’un. Le mythe des Catalans antimilitaristes, distants des guerres néocoloniales et néo-impérialistes, partisans du dialogue partout, a pris un sérieux coup. La Catalogne est la région ayant accueilli le plus haut pourcentage d’immigrés maghrébins comparé aux autres régions d’Espagne où les Sud-Américains sont plus nombreux. Les djihadistes ont frappé l’Espagne, non pas la Catalogne. Le monde extérieur, des États-Unis à la Chine, place Barcelone en Espagne.

Et les Espagnols raisonnables hors Catalogne ont sans doute réfléchi au fait que les Catalans étaient de dignes compatriotes qu’il fallait flatter un minimum pour éviter le divorce. Les Catalans de tout poil veulent le droit d’avoir un référendum; nombre de Catalans veulent un référendum, que Rajoy le veuille ou non, afin de voter éventuellement contre l’indépendance! La nouveauté actuelle réside dans l’attraction immense que les Espagnols ont démontré à leurs compatriotes de Catalogne. Il y aurait de quoi refroidir quelques ardeurs indépendantistes.