Comment Trump est le seul à savoir mettre le pouvoir chinois sous pression
(ENGLISH VERSION BELOW)
Le président américain a-t-il une stratégie concertée pour contrer la montée en puissance de la Chine populaire? Ces inconstances et excès sembleraient indiquer que non, puisque l’homme est outrancier et simpliste. Donald Trump (DJT), nous laisse croire qu’il improvise sans cesse à partir de ses intuitions, et qu’il vise à la fois la popularité auprès de sa base et l’exaspération auprès de ses adversaires internes.
Toutefois, dans le dossier chinois DJT semble fidèle à la ligne du push-back, ou en français néologique la contre-poussée. Cette ligne strategique prend son sens lorsqu’on observe la stratégie à long terme du Parti Communiste chinois (PCC). Le commerce sert d’instrument de puissance impériale, dont les résultats viendront à moyen et long terme, c’est-à-dire le temps que la force militaire chinoise devienne incontournable. En clair, la Chine populaire en nouvelle URSS, en unique puissance à parité avec les États-Unis.
Vu de Washington, comment stopper l’ascension chinoise? La posture de George W. Bush, et surtout de Barack Obama, consistait à donner quelques avertissements aux gouvernants chinois qui eux faisaient quelques ajustements mineurs, sans pour autant changer de cap général. Par dépit les Occidentaux se satisfaisaient de ces concessions modestes.
Or ce n’est pas comme cela que l’on intimide Pékin, si la chose est encore possible! DJT semble montrer le chemin, car il ne craint pas de bousculer Pékin, en ouvrant une guerre commerciale qui répond à la guerre lente préalablement lancée par les dirigeants communistes eux-mêmes.
La tactique de DJT est la cajolerie, la menace nonchalante, les virevoltes, et la réputation de vouloir conclure des “deals”. Cette tactique était manifestement trop osée pour ses prédécesseurs qui eux n’ont pratiquement rien obtenu de durable. Dans un dossier connexe, l’homme a tenté l’ouverture avec Kim Jong Un seulement après l’avoir menacé publiquement d’une destruction apocalyptique! Menace proférée à la tribune des Nations-Unies en septembre 2017 devant une assistance ébahie.
ÊTRE IMPRÉVISIBLE ENVERS LES COMMUNISTES CHINOIS
Préalablement, DJT avait fait mine de vouloir retirer les bases militaires américaines de Corée du Sud, car trop coûteuses. Le gouvernement chinois a pu un moment se réjouir en cachette d’un éventuel retrait. Mais la suite a été trop difficile à déchiffrer pour Pékin. Et c’est là que DJT déploie une espèce de génie qu’il ne semble même pas maîtriser: l’imprévisibilité brutale. Les dirigeants communistes chinois, comme tous les observateurs le disent, aiment la prévisibilité. Les dirigeants qui virevoltent, comme Sarkozy sur la question tibétaine en 2008, sont des clowns indignes de confiance. Toutefois, DJT est trop puissant pour être vu comme un clown. Les investissements américains ont formé la pièce maîtresse de la renaissance économique chinoise, et l’on ne comprend pas bien si DJT veut réellement bousculer le rapport économique entre les deux nations, ou s’il court après son électorat à coups de rodomontades nationalistes. Résultat: Pékin ne sait plus précisément comment DJT veut procéder, et donc ne sait pas quelle réaction serait la bonne, car la poursuite de la conquête commerciale lente ne saurait être compromise.
Le résultat est cette hyper-prudence chinoise. En effet, le poids des choix qui attendent le PCC est énorme. Faut-il aider Kim Jong Un à résister à DJT? Dans cette hypothèse, les troupes américaines resteront en Corée du Sud — mauvaise issue. Autre hypothèse: pousser Kim Jong Un à suivre le chemin du PCC, or cela entraînerait une entrée de plein pied des investissements américains en Corée du Nord — mauvaise issue. Faut-il abandonner le pulsionnel Kim Jong Un à son match géopolitique avec DJT, pour que la flotte chinoise se renforce discrètement jusqu’à totalement contrôler la Mer de Chine méridionale? Dans cette hypothèse, rien ne garantit que Kim Jong Un se détournera de la Chine populaire, et que les États-Unis, le Japon (et même à son petit niveau la France) négligeront les appétits chinois dans cette mer stratégique. L’État japonais étoffera d’autant plus vite sa considérable flotte, et elle reste arrimée aux États-Unis. Encore un piètre résultat.
LA GUERRE ÉCONOMIQUE CONTRE LA CHINE NE FAIT PAS VRAIMENT PEUR
Les facteurs économiques ont une importance évidente, surtout lorsque l’on entreprend une guerre commerciale. “Les guerres commerciales se gagnent facilement” avait tweeté DJT. Si les États-Unis surtaxent des produits chinois débouchant sur le marché américain, la Chine populaire pâtira d’un recul de ses carnets de commande. Cela ressemble à un avantage pour les États-Unis, mais puisque l’État de la république populaire détient mille milliards de dollars en bons du Trésor américain, une vente précipitée de ces bons videraient les caisses de ce même Trésor. Avantage en apparence seulement pour le PCC, car voici par où le bât blesse: en inondant les marchés financiers de ces bons, l’économie américaine s’affaiblirait — et l’évaporation du meilleur client, les États-Unis, pénaliserait incalculablement l’économie chinoise elle-même ! Et DJT, à la surprise du PCC, semble disposé à encaisser les douleurs d’une attaque financière frontale chinoise. Il s’agit encore d’une éventualité que le PCC ne semble pas avoir sérieusement envisagé. L’hypothèse de l’emploi de l’arme financière produirait donc un énième mauvais résultat.
En un mot, DJT tient Xi Jinping, ce “grand ami et dirigeant de grand talent”. Même dans le langage il tient Xi.
Si la stratégie profonde de DJT est l’endiguement de la Chine populaire, un appui russe serait d’un grand secours. Or n’est-ce pas précisément ce que tent de faire DJT: une nouvelle proximité Washington-Russie? Certes, Vladimir Poutine a tenté de faire tout le contraire depuis qu’en 2007 le Kosovo est devenu indépendant. Dès ce jour, l’Occident ne jouait vraiment plus la partition (musicale) voulue par le Kremlin, en procédant à la partition (territoriale) de la République de Serbie. Les concepts de droit et de pouvoir et de droit international à la russe n’avaient pas pris à Washington, pour des raisons complexes que nous n’aborderons pas ici dans l’intérêt de la clarté. La manière ultra-cynique de pressurer les États tampons frontaliers de la Fédération de Russie n’ont attiré que certains groupes politiques. Pourquoi DJT est-il si tolérant envers le comportement de Vladimir Poutine?
TRUMP A EMPLOYÉ LA MAUVAISE MANIÈRE POUR SUSCITER UNE ALLIANCE RUSSE
DJT est indifférent aux coups bas que les services secrets et les agents d’influence russes délivrent en Occident, car il estime manifestement que tout le monde use de procédés malhonnêtes, y compris les États-Unis et dans une certaine lui-même personnellement. DJT a probablement pris langue avec des oligarques ou des envoyés du Kremlin pendant sa campagne électorale, il a pu envisager de juteuses affaires avec des Russes prêts à aider son mini-empire immobilier. En projetant toutes ces choses, DJT toujours âpre au gain a pu se dire qu’une proximité d’affaires avec le Kremlin consoliderait une nouvelle convergence stratégique dirigée, de manière incidente mais réelle, contre la grande stratégie chinoise. Ainsi articulé, les intérêts privés de DJT donneraient à celui-ci le levier nécessaire pour faire de la grande géopolitique, de jouer un mini-axe Washington-Moscou contre Pékin!
En conclusion, DJT en est arrivé à être le premier président à se préparer à faire le grand chamboulement géopolitique qui intimide tant de dirigeants occidentaux. Il a osé, par calcul, par vanité, par électoralisme, imaginer un simple réalignement Washington-Moscou contre Pékin. Mais en s’acoquinant trop directement et vénalement avec le Kremlin, il a déservit sa propore manœuvre. Le peuple américain ne peut suivre tout cela, et n’a pas pleinement accepté de jeter toutes les règles constitutionnelles aux orties afin de gagner ce jeu de Risk planétaire. Ce peuple en est-il seulement conscient? DJT est obligé de réussir géopolitiquement s’il espère pouvoir se faire pardonner ses turpitudes. Aujourd’hui à Pékin le PCC espère sans doute l’impeachment, alors que le Kremlin le redoute nonobstant son rôle dans la corruption de l’équipe Trump. Vladimir Poutine pouvait-il imaginer que le succès de DJT était bon pour la Russie seulement si le président démagogue était vierge de toute contamination kremlinienne? Manifestement, cette éventualité n’a pas retenu son attention de joueur d’échecs. En définitive, et indépendemment de la position russe, DJT est dans une course contre la montre face à l’enquête fédérale qui vise l’ingérence électorale russe et donc DJT indirectement. S’en est à croire qu’un président des États-Unis ne peut réussir à la fois à être intègre et à stopper l’expansion chinoise, et que le président russe ne sait pas user de son influence sans déployer les moyens d’agit-prop (agitation propagande, procédé soviétique) adaptés à l’Internet et aux lobbys modernes.
HH
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How Trump alone knows how to put the Chinese State under pressure