TRUMP, XI ET POUTINE: le pouvoir chinois sous pression

Comment Trump est le seul à savoir mettre le pouvoir chinois sous pression
(ENGLISH VERSION BELOW)

Le président américain a-t-il une stratégie concertée pour contrer la montée en puissance de la Chine populaire? Ces inconstances et excès sembleraient indiquer que non, puisque l’homme est outrancier et simpliste. Donald Trump (DJT), nous laisse croire qu’il improvise sans cesse à partir de ses intuitions, et qu’il vise à la fois la popularité auprès de sa base et l’exaspération auprès de ses adversaires internes.

Toutefois, dans le dossier chinois DJT semble fidèle à la ligne du push-back, ou en français néologique la contre-poussée. Cette ligne strategique prend son sens lorsqu’on observe la stratégie à long terme du Parti Communiste chinois (PCC). Le commerce sert d’instrument de puissance impériale, dont les résultats viendront à moyen et long terme, c’est-à-dire le temps que la force militaire chinoise devienne incontournable. En clair, la Chine populaire en nouvelle URSS, en unique puissance à parité avec les États-Unis.

Vu de Washington, comment stopper l’ascension chinoise? La posture de George W. Bush, et surtout de Barack Obama, consistait à donner quelques avertissements aux gouvernants chinois qui eux faisaient quelques ajustements mineurs, sans pour autant changer de cap général. Par dépit les Occidentaux se satisfaisaient de ces concessions modestes.

Or ce n’est pas comme cela que l’on intimide Pékin, si la chose est encore possible! DJT semble montrer le chemin, car il ne craint pas de bousculer Pékin, en ouvrant une guerre commerciale qui répond à la guerre lente préalablement lancée par les dirigeants communistes eux-mêmes.

La tactique de DJT est la cajolerie, la menace nonchalante, les virevoltes, et la réputation de vouloir conclure des “deals”. Cette tactique était manifestement trop osée pour ses prédécesseurs qui eux n’ont pratiquement rien obtenu de durable. Dans un dossier connexe, l’homme a tenté l’ouverture avec Kim Jong Un seulement après l’avoir menacé publiquement d’une destruction apocalyptique! Menace proférée à la tribune des Nations-Unies en septembre 2017 devant une assistance ébahie.

ÊTRE IMPRÉVISIBLE ENVERS LES COMMUNISTES CHINOIS
Préalablement, DJT avait fait mine de vouloir retirer les bases militaires américaines de Corée du Sud, car trop coûteuses. Le gouvernement chinois a pu un moment se réjouir en cachette d’un éventuel retrait. Mais la suite a été trop difficile à déchiffrer pour Pékin. Et c’est là que DJT déploie une espèce de génie qu’il ne semble même pas maîtriser: l’imprévisibilité brutale. Les dirigeants communistes chinois, comme tous les observateurs le disent, aiment la prévisibilité. Les dirigeants qui virevoltent, comme Sarkozy sur la question tibétaine en 2008, sont des clowns indignes de confiance. Toutefois, DJT est trop puissant pour être vu comme un clown. Les investissements américains ont formé la pièce maîtresse de la renaissance économique chinoise, et l’on ne comprend pas bien si DJT veut réellement bousculer le rapport économique entre les deux nations, ou s’il court après son électorat à coups de rodomontades nationalistes. Résultat: Pékin ne sait plus précisément comment DJT veut procéder, et donc ne sait pas quelle réaction serait la bonne, car la poursuite de la conquête commerciale lente ne saurait être compromise.

Le résultat est cette hyper-prudence chinoise. En effet, le poids des choix qui attendent le PCC est énorme. Faut-il aider Kim Jong Un à résister à DJT? Dans cette hypothèse, les troupes américaines resteront en Corée du Sud — mauvaise issue. Autre hypothèse: pousser Kim Jong Un à suivre le chemin du PCC, or cela entraînerait une entrée de plein pied des investissements américains en Corée du Nord — mauvaise issue. Faut-il abandonner le pulsionnel Kim Jong Un à son match géopolitique avec DJT, pour que la flotte chinoise se renforce discrètement jusqu’à totalement contrôler la Mer de Chine méridionale? Dans cette hypothèse, rien ne garantit que Kim Jong Un se détournera de la Chine populaire, et que les États-Unis, le Japon (et même à son petit niveau la France) négligeront les appétits chinois dans cette mer stratégique. L’État japonais étoffera d’autant plus vite sa considérable flotte, et elle reste arrimée aux États-Unis. Encore un piètre résultat.

LA GUERRE ÉCONOMIQUE CONTRE LA CHINE NE FAIT PAS VRAIMENT PEUR
Les facteurs économiques ont une importance évidente, surtout lorsque l’on entreprend une guerre commerciale. “Les guerres commerciales se gagnent facilement” avait tweeté DJT. Si les États-Unis surtaxent des produits chinois débouchant sur le marché américain, la Chine populaire pâtira d’un recul de ses carnets de commande. Cela ressemble à un avantage pour les États-Unis, mais puisque l’État de la république populaire détient mille milliards de dollars en bons du Trésor américain, une vente précipitée de ces bons videraient les caisses de ce même Trésor. Avantage en apparence seulement pour le PCC, car voici par où le bât blesse: en inondant les marchés financiers de ces bons, l’économie américaine s’affaiblirait — et l’évaporation du meilleur client, les États-Unis, pénaliserait incalculablement l’économie chinoise elle-même ! Et DJT, à la surprise du PCC, semble disposé à encaisser les douleurs d’une attaque financière frontale chinoise. Il s’agit encore d’une éventualité que le PCC ne semble pas avoir sérieusement envisagé. L’hypothèse de l’emploi de l’arme financière produirait donc un énième mauvais résultat.

En un mot, DJT tient Xi Jinping, ce “grand ami et dirigeant de grand talent”. Même dans le langage il tient Xi.

Si la stratégie profonde de DJT est l’endiguement de la Chine populaire, un appui russe serait d’un grand secours. Or n’est-ce pas précisément ce que tent de faire DJT: une nouvelle proximité Washington-Russie? Certes, Vladimir Poutine a tenté de faire tout le contraire depuis qu’en 2007 le Kosovo est devenu indépendant. Dès ce jour, l’Occident ne jouait vraiment plus la partition (musicale) voulue par le Kremlin, en procédant à la partition (territoriale) de la République de Serbie. Les concepts de droit et de pouvoir et de droit international à la russe n’avaient pas pris à Washington, pour des raisons complexes que nous n’aborderons pas ici dans l’intérêt de la clarté. La manière ultra-cynique de pressurer les États tampons frontaliers de la Fédération de Russie n’ont attiré que certains groupes politiques. Pourquoi DJT est-il si tolérant envers le comportement de Vladimir Poutine?

TRUMP A EMPLOYÉ LA MAUVAISE MANIÈRE POUR SUSCITER UNE ALLIANCE RUSSE

DJT est indifférent aux coups bas que les services secrets et les agents d’influence russes délivrent en Occident, car il estime manifestement que tout le monde use de procédés malhonnêtes, y compris les États-Unis et dans une certaine lui-même personnellement. DJT a probablement pris langue avec des oligarques ou des envoyés du Kremlin pendant sa campagne électorale, il a pu envisager de juteuses affaires avec des Russes prêts à aider son mini-empire immobilier. En projetant toutes ces choses, DJT toujours âpre au gain a pu se dire qu’une proximité d’affaires avec le Kremlin consoliderait une nouvelle convergence stratégique dirigée, de manière incidente mais réelle, contre la grande stratégie chinoise. Ainsi articulé, les intérêts privés de DJT donneraient à celui-ci le levier nécessaire pour faire de la grande géopolitique, de jouer un mini-axe Washington-Moscou contre Pékin!

Trump et Poutine, sommet de Helsinki, 16 juillet 2018

En conclusion, DJT en est arrivé à être le premier président à se préparer à faire le grand chamboulement géopolitique qui intimide tant de dirigeants occidentaux. Il a osé, par calcul, par vanité, par électoralisme, imaginer un simple réalignement Washington-Moscou contre Pékin. Mais en s’acoquinant trop directement et vénalement avec le Kremlin, il a déservit sa propore manœuvre. Le peuple américain ne peut suivre tout cela, et n’a pas pleinement accepté de jeter toutes les règles constitutionnelles aux orties afin de gagner ce jeu de Risk planétaire. Ce peuple en est-il seulement conscient? DJT est obligé de réussir géopolitiquement s’il espère pouvoir se faire pardonner ses turpitudes. Aujourd’hui à Pékin le PCC espère sans doute l’impeachment, alors que le Kremlin le redoute nonobstant son rôle dans la corruption de l’équipe Trump. Vladimir Poutine pouvait-il imaginer que le succès de DJT était bon pour la Russie seulement si le président démagogue était vierge de toute contamination kremlinienne? Manifestement, cette éventualité n’a pas retenu son attention de joueur d’échecs. En définitive, et indépendemment de la position russe, DJT est dans une course contre la montre face à l’enquête fédérale qui vise l’ingérence électorale russe et donc DJT indirectement. S’en est à croire qu’un président des États-Unis ne peut réussir à la fois à être intègre et à stopper l’expansion chinoise, et que le président russe ne sait pas user de son influence sans déployer les moyens d’agit-prop (agitation propagande, procédé soviétique) adaptés à l’Internet et aux lobbys modernes.
HH

ENGLISH VERSION
How Trump alone knows how to put the Chinese State under pressure

Does the US president have a concerted strategy to counter the rise of the People’s Republic of China? His inconsistancies and excesses would seem to indicate that no, since the man is outrageous and simplistic. Donald Trump (DJT) lets us believe that he constantly improvises from his intuitions, while currying popularity among his base and eliciting the exasperation of his domestic opponents.

However, in the Chinese dossier DJT remains faithful to the policy of push-back. This strategic line makes sense when one observes the long-term strategy of the Chinese Communist Party (CCP). Trade serves as an instrument of imperial power, the results of which will come in the medium and long term, that is to say the time needed for Chinese military force to become insuperable. Clearly, the People’s China is the new USSR, the sole power at parity with the United States.

Seen from Washington, is there a way to stem the rise of Chinese might? The posture of George W. Bush, and especially of Barack Obama, consisted of giving some warnings to the Chinese rulers who made minor adjustments, without changing their general strategy. The Westerners in turn would make do with these modest concessions.

But this is not how we can intimidate Beijing, assuming such a thing possible! DJT seems to show the way, because he is not afraid to shake up Beijing, by opening a trade war in response to the slow war initially launched by the communist leaders themselves.

DJT’s tactics are cajolery, nonchalant threats, flip-flops, and a reputation of craving to make deals. This tactic was obviously too daring for his predecessors, who obtained practically nothing durable. In a parallel case, the man tried opening up to Kim Jong Un only after publicly threatening him with apocalyptic destruction! A threat profered at the podium of the UN in September 2017 before a stunned audience.

HOW TO SWAY THE CHINESE COMMUNISTS
Previously, DJT had pretended to seek the withdrawal of US military bases from South Korea, considered too expensive. The Chinese government temporarily and discreetly rejoiced in this possible withdrawal. But the president subsequent positions gradually became indecipherable for Beijing. And this is where DJT deploys a kind of genius that he does not even seem to master: brutal unpredictability. The Chinese communist leaders, as all observers say, like predictability. Leaders who, like Sarkozy on the Tibetan issue in 2008, are untrustworthy clowns. However, DJT is too powerful to be seen as a clown. US investment has been the centerpiece of the Chinese economic revival, and it is unclear whether DJT is really trying to shake up the economic relationship between the two nations, or whether he is staging nationalistic rhetorical battles for his electorate’s consumption. Result: Beijing does not know exactly how DJT wants to proceed, and therefore does not know what reaction is required, given that the pursuit of slow commercial conquest cannot be compromised.

The result is Chinese hyper-caution. Indeed, the weight of the choices facing the CCP is enormous. Should we help Kim Jong Un to resist DJT? In this case, US troops will stay in South Korea – bad outcome. Another hypothesis: push Kim Jong Un to follow the path of the CCP, or it would lead to a mass influx of US investment into North Korea – bad outcome. Should we abandon Kim Jong Un to his geopolitical match with DJT, so that the Chinese fleet can discreetly reach paramount strength in the South China Sea? In this hypothesis, there is no guarantee that Kim Jong Un will turn away from the People’s Republic, and that the United States, Japan (and even France at its smaller level) would ignore Chinese hegemonism in this strategic sea. The Japanese State will expand its considerable fleet all the more quickly, and it remains interlocked with the United States. Still a poor result.

THE ECONOMIC WAR AGAINST CHINA IS NOT REALLY FEAR
Economic factors are obviously important, especially when a trade war is being waged. “Trade wars are easy to win,” tweeted DJT. If the United States overtax Chinese products heading towards the US market, China will suffer from a drop in customers. This sounds like an advantage for the United States, but since the Chinese state holds a trillion dollars in US Treasury bonds, a precipitous sale of these bonds would empty the coffers of that same Treasury. The strategic advantage for Beijing would be double-edged, because here’s the rub: by flooding the financial markets with these bonds, the US economy would weaken – and the evaporation of the best customer, the United States, would incalculably penalize the Chinese economy itself! Yet DJT, to the surprise of the CCP, seems willing to withstand the blow of a Chinese frontal financial attack. This possibility has not entered into the calculations of the CCP. Clearly, a massive Chinese financial blow could produce yet another bad outcome.

In a word, DJT holds Xi Jinping, this “great friend and leader of great talent”. He even holds Xi though words!

If the deep strategy of DJT is the containment of the People’s Republic of China, then Russian support would be of great help. But is this not precisely what DJT is trying to achieve: a new Washington-Russia axis? True, Vladimir Putin has tried to do the opposite since the day in 2007 when Kosovo became unacceptably independent. From that day on, the West had definitely ceased to heed the Kremlin, and the partition of the Republic of Serbia was a definitively parting of ways. The concepts of law and power and international law Russia-style had not swayed Washington, for complex reasons that we will not tackle here. Suffice it to say that the ultra-cynical way of squeezing the border buffer states of the Russian Federation has enthused only certain political groups in the West. So why is DJT so tolerant of Vladimir Putin’s behavior?

TRUMP TOOK THE WRONG PATH TO A RUSSIAN ALLIANCE

DJT is indifferent to the low blows that the Russian secret services and agents of influence deliver to the West, because he clearly believes that everyone uses dishonest methods, including the United States and in a certain sense him personally. DJT probably spoke with oligarchs or envoys of the Kremlin during his election campaign, he could consider juicy business with Russians ready to help his mini real-estate empire. In projecting all these things, DJT could say in his money-hungry way that proximity of business with the Kremlin would consolidate a new strategic convergence, which would in turn be directed against the great Chinese strategy. Thus articulated, the private interests of DJT would give him the necessary leverage to construct a great geopolitical Washington-Moscow axis against Beijing!

In conclusion, DJT has come to be the first president to prepare for the great geopolitical turmoil that is intimidating so many Western leaders. He dared, by calculation, by vanity, by electoralism, to imagine a simple realignment of Washington-Moscow against Beijing. But by being too directly and suspiciously linked with the Kremlin, he thwarted his own maneuver. The American people is untrained in following all these maneuvers. Morever, Americans are unprepared to accept throwing constitutional rules to the winds in order to win this over-arching game of Planetary Risk. Are Americans even conscious of all these undercurrents? It remains that DJT is forced to succeed geopolitically if he hopes to be forgiven for his domestic transgressions.

Today in Beijing the CCP undoubtedly hopes for impeachment, while the Kremlin fears such an outcome, notwithstanding its role in the corruption of the Trump team. Might not Vladimir Putin have imagined that DJT’s success would be good for Russia only if the demagogue president were free of any Kremlinian contamination? Obviously, this case did not catch his attention as a chess player. In the end, and independently of the Russian position, DJT is in a race against the clock in the face of the federal inquiry that is targeting Russian electoral interference and therefore DJT indirectly. This leads one to believe that a US President cannot succeed both in being honest and stopping Chinese expansion, and that the Russian President does not know how to use his influence without resorting to agit-prop (propaganda agitation, Soviet process) adapted to the Internet and modern lobbies.
HH

Les gouvernements persécutent les défenseurs des droits de l’homme, ou comment être d’accord avec Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

Je cite sa lettre ouverte du 11 septembre 2017, qui ovre la session des droits de l’homme :

http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/Media.aspx?IsMediaPageFR=true&LangID=F

“The actions of violent extremists cannot totally obliterate our world. Only governments can do that – and this is the greater tragedy of today. Left on their current course, it will be governments who will break humanity. Terrorists may attack us, but the intellectual authors of those crimes will then often sit back and watch as governments peel away at human rights protections; watch, as our societies gradually unravel, with many setting course toward authoritarianism and oppression…

does it not occur to the many Governments who engage in intimidation and bullying, and commit reprisals against human rights defenders and NGOs which work with the UN human rights mechanisms – do they not realise that this only confirms to us, and to the world, how much oppression and injustice they exercise in their own countries?”

Ce diplomate jordanien continue une longue lettre de dénonciations. Le gouvernement de Birmanie qui persécute les Rohingyas, le gouvernement du Burundi qui lance les Imbonerakure et l’armée contre les civils (dans un rappel évident au génocide Rwanda d’il y a

23 ans, avec ses milices Interahamwe).

Et puis sur RFI ce matin, j’entends que le gouvernement du Zimbabwe se financerait surles diamants de contrebande pour financer les services secrets.

Et puis j’ajouterai, pour bien pourrir la fête, qu’au Cambodge, le pouvoir de Hun Sen ne subit aucun revers judiciaire, ni même diplomatique, alors que l’opposition classique est accusée judiciairement d’une foultitude de délits financiers d’une créativité perverse. Au Vietnam n’existe même pas l’ombre d’une opposition constituée en opposition d’alternance. Passons sur les autres États à parti unique, et négligeons les partis faire-valoir du genre Kuomintang révolutionnaire de Chine populaire. En Afrique noire, la situation est inégale mais l’on signale qu’au Sénégal, au Bénin, au Niger, au burkina Faso, au Ghana, au Nigéria, et j’en passe, le fonctionnement démocratique est somme toute réelle, malgré la pauvreté endémique. Au Togo, dans les deux Congo, au Gabon, des dynasties familiales sont bien enracinées. En Guinée Équatoriale, et au Cameroun, le volet familial est particulièrement fort. En Angola, c’est plutôt le parti qui s’autoperpétue. En Afrique du Sud, l’ANC prend parfois des allures hégémoniques, quoique la possibilité d’une alternance démocratique soit forte. Si l’Afrique du Sud virait à la situation zimbabwéenne, alors la démocratie en Afrique serait peu de chose.

En Asie centrale, l’hégémonisme familialo-partidaire se porte à merveille: Azerbaïdjan, Turkmenistan, Ouzbekistan, Kazakhstan, Tadjikistan, voilà bien des régions où aucun citoyen ne brandit une pancarte antigouvernementale sans la certitude d’une matraque et d’une incarcération. En ThaÏlande l’opposition “rouge” (couleur du parti populiste, et non pas du socialisme-marxiste) est semi-illégale, et à Singapour et en Malaisie prévaut un système hybride aux allures britanniques mais qui assure l’hégémonie d’un seul parti. La répression y est surtout une pression judiciaire sur tout opposant ou critique, et à Singapour l’ambiance y est particulièrement néo-confucéenne — qui peut mieux gouverner que le parti au pouvoir qui a l’expérience?

Le Vénézuéla est au bord de l’autocratie à parti unique, mais le parti chaviste n’a pas tout à fait osé franchir le pas. Hussein de l’ONU le rappelle d’ailleurs dans sa lettre de rentrée. Autrement, l’Amérique latine semble avoir reprit goût au pluralisme politique — unique bonne nouvelle.

Ce qui inquiète peut-être le plus: le sentiment rampant dans les démocraties que la démocratie elle-même est une illusion, et que les autocraties, ou la semi-autocratie de type russe, sont des évolutions naturelles voire souhaitables! Avec elles, point de mariage gay, de déferlante musulmane, d’inféodation aux grands intérêts américains.

La démocratie représentative occidentale otanienne européenne et capitalistique a ses défauts, énormes. Cependant, elle est vivable et amendable. Qui en dit autant au Turkmenistan, au Congo-Brazzaville? Dans le premier on ne dit pas, dans le 2e on lee dit mais alors commence une longue peur personnelle.

Bref Hussein a bien fait de tirer la sonnette d’alarme, d’autant plus que sa commission — dont il ne maîtrise pas les équilibres politiques — a autant servi à fustiger les scories relativement petites des démocraties qu’à démolir les excès odieux des autocraties.

HH

Le djihad salafiste est-il bon pour l’indépendance de la Catalogne?

Les attaques en Catalogne ont propulsé la société catalane sous les projecteurs du monde. Parallèlement au drame terroriste se joue une partie d’échecs entre catalanistes et espagnolistes. Pour le gouvernement autonome catalan, comme pour son pendant national espagnol, juguler le terrorisme, et régler l’avenir constitutionnel de la Catalogne, sont des priorités. Les deux instances convergent. Les morts et blessés sont catalans, espagnols hors Catalogne, italiens, portugais, français, allemands, et tant d’autres. Surtout, le lien entre Catalans et Espagnols hors Catalogne est devenu plus évident. Les deux instances gouvernementales ont fonctionné de concert, avec le volet catalan nettement dans le rôle prioritaire.

Vive les Mossos d’Esquadra

Car le gouvernement catalan a impeccablement mené la répression de la cellule terroriste de Younès Abouyaaqoub. La police autonome catalane, Els Mossos d’Esquadra, a été d’une efficacité remarquée. Réminiscence d’un corps né au 18e siècle, les Mossos sont un genre de gendarmerie sur la totalité du territoire de la Généralité de Catalogne. Depuis le milieu des années 2000, la Guardia Civil et la Policía Nacional n’ont plus de présence. Il y a les Mossos d’Esquadra et les polices urbaines, et rien d’autre. Sauf les services secrets espagnols, le CNI, Centro Nacional de Inteligencia. Plus tard dans le processus, la justice, qui elle reste totalement espagnole nationale et unitaire, prendra le relais. Toujours est-il que les Catalans ont une réputation de sérieux, de modestie, et d’entêtement, et voilà que leur police régionale l’a confirmé. Les Mossos ont abattu les terroristes chaque fois que c’était possible. À Cambrils, un seul Mosso abattit quatre terroristes en quelques secondes.

Mariano Rajoy félicite les institutions catalanes

C’était si impressionnant que le premier ministre espagnol Mariano Rajoy a Tweeté ses félicitations aux Mossos. Mais il ne les commande pas. Et Rajoy ne peut souffrir l’idée d’un référendum sur l’indépendance en Catalogne. Pourtant le référendum, légalement contesté par Rajoy et la justice nationale, est programmé pour le 1er octobre. Le président de la Généralité de Catalogne (ainsi s’appelle l’instance subnationale qui exerce les fonctions subnationales en Catalogne, c’est-à-dire que la Generalitat est le nom du quasi-État catalan) Carles Puigdemont veut ce référendum, et veut la séparation d’avec l’Espagne. Pourtant, tout au long du drame de Catalogne, on pouvait lire des Tweets incessants sur la solidarité de tous les Espagnols pour Barcelone. No Tenim Por, le slogan catalan pour “Nous n’avons pas peur”, serait en train de passer dans le langage de toute l’Espagne. Le roi Felipe VI lui-même à dit que toute l’Espagne est la Catalogne.

Ni le roi, ni le premier ministre espagnol, n’ont omis de se montrer à Barcelone. Puigdemont a eu l’élégance de les y accueillir, et de se tenir à leurs côtés pour les minutes de silence, et pour une réunion formelle de sécurité avec Rajoy. Ce même Puigdemont accorde des interviews à la radio nationale espagnole, en castillan. Il a même critiqué les ultra-nationalistes catalans de vouloir boycotté certaines cérémonies pan-espagnoles.

Des Catalans efficaces, mais assimilés à des Espagnols par le monde extérieur

C’est comme si le djihadisme avait rappelé aux gens les plus raisonnables de Catalogne que pour les terroristes, la Catalogne, l’Espagne, la France, la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne, ne font qu’un. Le mythe des Catalans antimilitaristes, distants des guerres néocoloniales et néo-impérialistes, partisans du dialogue partout, a pris un sérieux coup. La Catalogne est la région ayant accueilli le plus haut pourcentage d’immigrés maghrébins comparé aux autres régions d’Espagne où les Sud-Américains sont plus nombreux. Les djihadistes ont frappé l’Espagne, non pas la Catalogne. Le monde extérieur, des États-Unis à la Chine, place Barcelone en Espagne.

Et les Espagnols raisonnables hors Catalogne ont sans doute réfléchi au fait que les Catalans étaient de dignes compatriotes qu’il fallait flatter un minimum pour éviter le divorce. Les Catalans de tout poil veulent le droit d’avoir un référendum; nombre de Catalans veulent un référendum, que Rajoy le veuille ou non, afin de voter éventuellement contre l’indépendance! La nouveauté actuelle réside dans l’attraction immense que les Espagnols ont démontré à leurs compatriotes de Catalogne. Il y aurait de quoi refroidir quelques ardeurs indépendantistes.